Multinationales

Faut-il réformer le traité sur l’énergie, entrave aux politiques climatiques, ou en sortir ?

Multinationales

par Rachel Knaebel

Le Traité sur la Charte de l’énergie permet aux entreprises d’attaquer des États qui prennent des décisions en faveur du climat. La France réfléchit à la manière de le réformer. Des organisations de la société civile appellent à en sortir.

Basta! vous en parlait il y a quelques mois : le Traité international sur la Charte de l’énergie. Un nouveau cycle de négociations a lieu cette semaine pour le réformer. Car cet accord, ratifié par une cinquantaine de pays dans les années 1990, pourrait aujourd’hui détruire les efforts des pays européens pour atteindre leurs objectifs climatiques. C’est par exemple sur la base de ce traité que l’entreprise énergétique allemande RWE attaque les Pays-Bas qui a décidé de sortir du charbon d’ici à 2030. La firme pétrolière britannique Rokhopper s’en est également servi pour attaquer en 2017 l’Italie qui lui avait refusé un nouveau permis d’exploration pétrolière en mer (le jugement doit tomber ce mois-ci).

À chaque fois, les entreprises demandent des centaines de millions, voire des milliards d’euros de dédommagement aux pays pour ces décisions prises en faveur du climat. Encore pire, une clause permet à une entreprise d’attaquer une nation même après qu’elle se soit retirée du traité, comme l’Italie qui en est sortie en 2016. Le pays pourra encore être la cible de recours de multinationales si sa politique climatique leur déplaît jusqu’en 2036 ! Aujourd’hui, même le gouvernement français reconnaît les méfaits du Traité sur la Charte de l’énergie. « Ce traité initié dans les années 1990 est vraiment obsolète, a ainsi déclaré la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili à l’Assemblée nationale le 22 juin. Il protège entre autres les investissements dans les énergies fossiles et n’est donc plus adapté à notre temps suite aux accords de Paris. C’est donc une entrave à la transition écologique, sa réforme est nécessaire. »

« Ce traité fonctionne comme une police d’assurance pour dissuader de mener des politiques climatiques »

Des négociations sont en cours depuis 2020 pour réformer ce traité. Mais, selon des documents diplomatiques fuités provenant de deux États-membres, « aucun progrès substantiel n’a été réalisé » dans ces discussions. L’unanimité étant requise pour réformer ce traité, « ces négociations ne pourront mettre hors d’état de nuire le dispositif de règlements des différends investisseurs-États (ISDS) qui permet aux investisseurs de dissuader ou freiner les politiques de transition énergétique », pointe le collectif Stop Tafta. « Ce traité fonctionne comme une police d’assurance que les investisseurs activent pour dissuader ou empêcher les pouvoirs publics de mener des politiques climatiques qui vont à l’encontre de leurs intérêts. Il représente dès lors une épée de Damoclès qui menace de s’abattre et qui peut conduire à débloquer des milliards d’euros de compensation pour les investisseurs dans les énergies fossiles », souligne le collectif.

400 organisations de la société civile, dont plus de 30 basées en France, ont lancé cette semaine un ultimatum à la Commission européenne et aux États-membres les appelant à « sortir du Traité sur la Charte de l’énergie d’ici à la COP26 », la prochaine conférence internationale pour le climat, qui se tiendra à Glasgow, en Écosse, en novembre. Au printemps, un million de personnes ont signé une pétition appelant à sortir du Traité.

Photo : © RK