Santé publique

14e jour de grève de la faim dans un hôpital pour en finir avec la maltraitance

Santé publique

par Nolwenn Weiler

À l’hôpital psychiatrique du Rouvray, à proximité de Rouen, en Normandie, cinq agents hospitaliers entament ce 4 juin leur 14e jour de grève de la faim. Deux autres de leurs collègues ont également arrêté de s’alimenter, débutant leur grève quelques jours plus tard. Installés dans le hall d’entrée du bâtiment administratif de l’hôpital, où ils se sont installés jour et nuit, les sept aide-soignants et infirmiers ont arrêté de s’alimenter pour réclamer le droit de travailler dignement, dans le respect des patients accueillis. Ils demandent davantage de personnel, la suppression des « lits supplémentaires » et la création d’une unité pour adolescents.

« Il arrive qu’on leur pose un seau en guise de sanitaires »

Conçu pour accueillir 500 patients, l’hôpital en accueille une cinquantaine de plus. Résultat ? Ces personnes occupent de façon permanente des « lits supplémentaires », soit des lits pliants posés là où il reste de la place, dans des bureaux, au fond d’un couloir, voire dans des chambres d’isolement - quatre murs percés de minuscules fenêtres à barreaux, un simple lit, pas de sanitaires et pas de poignée pour ouvrir la porte. « Il arrive qu’on leur pose un seau en guise de sanitaires, grince un infirmier. En terme de non respect de la dignité humaine, on ne peut pas faire mieux. » Un collègue précise que les gens qui arrivent en HP sont en général en grande détresse psychologique. Les conditions d’accueil devraient donc être particulièrement attentionnées.

Les soignants, trop peu nombreux, ne peuvent pas « être dans le soin », autrement dit faire leur travail. Ils sont sans cesse obligés d’éconduire les patients qui leur demandent un peu d’attention parce qu’ils doivent gérer une entrée, une sortie, l’administration de médicaments ou tout autres tâches quotidiennes qui ne sont pas censées, normalement, remplir leurs journées. « On ne peut pas accorder du temps à nos patients pour les écouter, les soutenir, travailler autour de leur pathologies. » Empêchés de travailler, les soignants accumulent frustrations et fatigue. Certains sont épuisés. Le nombre d’arrêts maladies croit, laissant ceux qui restent avec une activité encore plus lourde. « On a déjà eu plusieurs expertises CHSCT, relève un infirmier. Toutes concluaient à l’insuffisance de personnel. Celle qu’avait demandé la direction mentionnait l’embauche de 56 personnes. Nous en réclamons 52 et n’avons toujours aucune réponse. »

Le gouvernement sourd à la détresse des personnels et des patients

Les grévistes souhaitent par ailleurs que les adolescents puissent être accueillis décemment. Ils sont pour l’instant mélangés aux adultes, dont certains avec des « conduites sexuelles à risques » : de potentiels agresseurs, qui passent parfois à l’acte, les soignants en sont persuadés. Les agents hospitaliers sont scandalisés, et leur colère ne cesse d’enfler. Depuis le 22 mars dernier, premier jour d’une grève illimitée qui dure encore aujourd’hui, ils usent de stratégies diverses pour se faire entendre. Ils ont commencé par des grèves « simples » à l’appel d’une intersyndicale CGT, SUD Santé-Sociaux, CFDT et CFTC.

Ils ont ensuite bloqué l’entrée de l’hôpital, aménageant des barrages filtrants ; avant d’occuper l’agence régionale de santé, puis de manifester devant le CHU de Rouen lors de la venue d’Emmanuel Macron le 5 avril dernier. Résultat : rien. Aucune des revendications du personnel n’a été entendue. Les grévistes de la faim attendent désespérément qu’un membre de leur direction, ou du ministère passe les voir.« On se demande ce que fait l’État, dit un infirmier. C’est notre employeur, il est censé s’inquiéter de notre santé physique et moral. » Aujourd’hui, deux grévistes ont été pris en charge par le SAMU. Une caisse de grève a été mise en place et une marche de solidarité avec les grévistes de la faim, et avec les revendications qu’ils portent est prévue ce lundi 4 juin à 18 heures, place de l’hôtel de ville à Rouen.